
Fabrice Jacquin, Mark, Espace DémArt, Lausanne, 6 et 7 juin 2025
Quatrième exposition monographique de Fabrice Jacquin, Mark pose la question de la représentation des émotions liées à l’expérience personnelle de l’existence. L’artiste emploie depuis de nombreuses années le textile et la couture comme médium principal. En jouant sur la familiarité des matériaux et des motifs, Fabrice Jacquin propose un voyage dans une culture populaire revisitée. Le contraste entre matière et sujet offrent un questionnement : quelle place pour les symboles contemporains de la violence, des épreuves et de la souffrance physique et morale ? Le titre de l’exposition en anglais offre une double lecture : le mot indique une marque, une trace qui témoigne d’une expérience ; il est également un prénom masculin, celui du partenaire de l’artiste disparu l’an passé des suites d’une maladie. L’inédit du deuil personnel est ici partagé avec profondeur et distance qui témoigne, par effet poétique, des émotions complexes vécues et partagées par un grand nombre confronté à l’expérience de la mort.
Les titres des œuvres soulèvent les ambivalences de la représentation. Ainsi Fighting Ground [terrain de lutte], l’image d’un terrain de sport réalisé en tissu éponge tendu sur châssis, pointe sur l’effort physique d’un sport d’équipe alors que le titre indique une lutte contre un adversaire. Une série d’œuvres représentent une arme à feu associée à un prénom : s’agit-il ici de la victime ou de l’agresseur ? Encore une fois, le contraste entre la matérialité douce et le sujet violent offre une distance avec le sentiment de danger.
Fabrice Jacquin présente à l’occasion de cette exposition une série de portes qui se libère de l’esthétique Pop et puise des références dans un vocabulaire architectural. Les ornements classiques du XIXe siècle dialoguent avec le raffinement du travail du lin, de la gaze de coton, ou du papier kraft ciré. La porte évoque un passage spatial, entre un extérieur et un intérieur, ou temporaire entre un avant et un après. En lien avec la mort, l’allégorie prend ici la couleur romantique de son origine historique. Dans le même esprit, un labyrinthe prolonge la référence liée à l’architecture comme miroir de l’âme.
Denis Pernet